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lundi 5 avril 2010

Église abbatiale de Satin-Martin-aux-Bois (Picardie)


Une église aux proportions inhabituelles (une nef courte et haute) dominant quelques maisons basses, cela se repère d'assez loin dans un pays plat. De passage dans ce coin plutôt isolé du département de l'Oise, au nord-ouest de Compiègne, le voyageur ne devrait pas manquer de s'intéresser à l'édifice... malheureusement, il n'y passe pas grand monde, Saint-Martin-aux-Bois est à l'écart des grands axes. Du reste le lieu n'est ouvert que certains week-end d'été et lors d'opérations de type Journées du patrimoine, et le voyageur devra, le reste du temps, prendre contact à l'avance avec l'association qui se consacre à la préservation du lieu - et qui, à notre connaissance, ne se fait jamais prier pour ouvrir les portes aux passionnés.


Aimez-vous le gothique ? L'ancienne église abbatiale du XIIIe siècle (pratiquement tout le reste de l'abbaye a disparu) est un délice. Il faut vaincre le scepticisme que peut inspirer une façade austère, mur strictement fonctionnel fermant l'embryon d'une nef qui aurait dû être beaucoup plus grande et dont ne furent construites que les premières travées. Une fois franchie la porte, on entre dans la lumière que dispensent généreusement les baies vertigineuses du chevet sous une voûte d'une trentaine de mètres d'élévation - c'est tout sauf désagréable. Ne vous étonnez pas si, dans les proportions, cela vous rappelle un peu la Sainte-Chapelle. L'œil est-il attiré par les stalles disposées dans le chœur ? Gagné, c'est là l'attraction principale, et encore n'en reste-t-il qu'une partie (les stalles basses, en particulier, ne sont conservées que de façon fragmentaire) ; l'ensemble date de la mise en commende de l'abbaye qui, vers le début du XVIe siècle, a permis des travaux de réfection d'un site vraisemblablement ravagé par les guerres du XVe siècle. Ce beau morceau d'ébénisterie n'offre que des merveilles, aussi nous sera-t-il permis de n'en citer que deux exemples : la jouée côté nord où Judith vient de tenir à Holopherne ce célèbre propos : "Lao Tseu a dit : il faut trouver la voie", et lui a consécutivement coupé la tête (pardon); et les miséricordes sculptées dont certaines illustrent de façon littérale des expressions populaires...

Pour le reste, rien que des friandises : une peinture à l'extrémité du collatéral gauche où, vous diront les membres de l'association, une découverte en chasse une autre. Deux petits panneaux historiés perdus au milieu des grisailles des verrières du chevet, l'un du XIIIe et l'autre du XIXe siècle. Une jolie chaire polychrome "dans son jus". Une sacristie tendant vers le gothique flamboyant avec sa voûte à liernes et tiercerons. Dans cette sacristie, un meuble aux curieux tiroirs rotatifs et dans ces tiroirs, des chasubles que l'on vous montrera si vous êtes sages. Au dessus, un groupe statuaire somptueux, avec Marie-Madeleine en cocotte Renaissance !

L'association Stalles de Picardie se démène pour faire connaître le lieu et, de l'expérience de l'auteur, accueille le visiteur avec avec une telle quantité d'érudition et de gentillesse qu'il est difficile de ne pas tomber amoureux du site !
Certes cela se mérite (il faut avoir un véhicule ou de bonnes chaussures et du temps devant soi, car quelques trains et quelques cars desservent les communes voisines). Mais l'auteur de ces lignes, tiré du lit fort tôt un dimanche matin, a curieusement cessé de râler une fois sur place, voilà qui en dira assez long aux amis !


L'association Stalles de Picardie (58 rue du 11 novembre, F-80890 Condé-Folie) ouvre l'église les dimanches de juillet et août et lors des Journées européennes du patrimoine. Elle vend à cette occasion une plaquette riche et didactique. D'autres coordonnées sont consultables à cette adresse.


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